C'était une terre dure, froide, cruelle. Une terre qui semblait retenir et concentrer tous les vents de Tamriel en un souffle plus tranchant que la Langue de Shor. C'était une terre ou les branches nues frissonnaient et où les hommes étaient réduits à des ombres spectrales, où seuls les plus braves, les plus forts survivaient, une terre où les Héros devenaient des Dieux.
*
Une nuit, sombre, glaciale, ... Le sol exhalait une brume épaisse, presque tangible, irréelle. Quelques ombres fendaient la nuit, silencieuses et solitaires. Seul le crépitement des flammes d'un brasier se faisait entendre au loin, sa lumière les guidant au travers de ces terres désolées. Venus des coins les plus reculés, ils convergeaient vers un même point, répondant à l'appel, aux paroles chuchotées au détour d'une ruelle, d'un feu de camp, murmurées dans les tavernes, dans les villes, dans les villages. Ombre-Lame, Guerrier, Mage, Renégat, Paria, Voleur et Sorcier, tous étaient là. Les flammes faisaient danser sur les visages farouches des ombres profondes, sombres. Les claquements secs des mâchoires résonnaient dans la nuit ... ils attendaient.
Absorbant soudainement la lumière projetée par le feu une silhouette était apparue brusquement au milieu d'eux. D'un geste rapide, accompagnant quelque incantation de l'un des leurs, les flammes se firent vives, brulantes, vivantes ... elles éclairèrent subitement le visage émacié d'un Saxhleel aux écailles ternies par le temps.
Le silence s'était fait d'une seule fois, profond, ravageant les sens. Les regardant tour à tour il avait commencé à parler.
D'une voix puissante il leur avait rappelé qui ils étaient, d'où ils venaient, tous, sans exception. Il leur avait parlé des Anciennes Traditions, des Tribus, des Clans, des Rituels qui depuis toujours guidaient leur Peuple. Il leur avait parlé de l'Esclavage ... et de la Maison qui leur avait offert la Liberté, LEUR Liberté à eux ou leurs ancêtres. Il leur avait conté la fin tragique du Seigneur Saeren Llenthrys. Ils avaient un dette, librement consentie, et un Saxhleel n'oubliait jamais, la Maison avait à nouveau besoin d'eux et ils répondraient présent, comme toujours : un juste retour, un cycle éternel, immuable, la fidélité en une parole donnée.
Avec force il rappela qu'ils étaient tous des Enfants du Peuple des Marais, l'une des plus anciennes races de ce monde, mais qu'ils avaient aussi déjà combattus ensemble sous la même bannière : celle d'une Maison Dunmer. Ils buvaient ces paroles de bon sens, leurs regards froids et intenses se croisaient, tissant à nouveaux des liens qui ne se briseraient jamais.
Une lueur implacable au fond des yeux, ils avaient partagé tour à tour le bol qu'il leur avait tendu, scellant ainsi, une fois de plus, leurs retrouvailles. Scandant, psalmodiant le nom d'Ixtaxh-thtithil-meht, "Celui Qui Brise l'Oeuf", la sève d'Hist s'était écoulée au fond de leur gorge et tous avaient communié.
*
Le feu n'était plus que braises, le jour commençait à poindre, ils sortaient doucement de leur transe ... Celui qui leur avait parlé toute la nuit se leva doucement :
- Mon nom est Skaar ! Skaar Trois-Griffes, de la Maison Llenthrys ... de VOTRE Maison, de NOTRE Maison !
Tous sans exception se levèrent à leur tour. Il les regarda avant de crier :
- POUR UNE DENT ?
- TOUTE LA GUEULE !! hurlèrent-ils en retour ...
D'un seul bloc, le petit groupe prit la route qui menait vers le Fort que l'on apercevait au loin dans ces montagnes inhospitalières.
Les Crocs d'Acier de la Maison Llenthrys étaient à nouveau rassemblés à ses côtés. Un tambour de guerre résonnait dans la vallée, le prix de la vengeance serait payé, l'affront lavé ... le sang allait couler.