Chapitre 1
Une terre en proie aux ténèbres.
Une terre en proie aux ténèbres.
- musique d'ambiance:
Le chariot roulait doucement. Il était l’une de ses caravanes transportant vivres et matériels médicaux aux citoyens des fermes et petits villages. Tirés par des chevaux de bât aux traits fatigués, l’homme âgé craignait qu’ils ne périssent pendant un voyage. Si ce n’était pas les voleurs, ce serait la maladie. Le bois s’entrechoquait tranquillement, les caisses mal ajustés remués par les gravats de la route. Encore une fois, rares seront les œufs apportés qui survivront au voyage. Même placés à un endroit censé les protéger. Toutes tentatives était vaines car à chaque voyages, de nouveaux problèmes d’entretiens se faisaient connaitre. Une planche qui cassait, une roue qui se déboîtait. Ce chariot n’avait plus beaucoup de temps à vivre, tout comme celui qui s’en occupait.
C’était une personne âgée qui avait vu trop de jours et de saisons défilés devant ses yeux. Il avait connu ses enfants, et petits-enfants. Il avait subis la mort de ses parents, et pleurer la perte de ses frères et sœurs. Abandonnés par des fils et des filles oubliant le sens de l’attachement à un père ni trop dur, ni trop bon, il errait dans la solitude. Un humain de la race des Bréton, ayant sacrifié ses jours à Hauteroche. D’antan, il avait vécu des aventures et des quêtes. Désormais, il n’inspirait qu’à laisser ses dernières années lui filer entres les doigts doucement. Dekarn Castil, tel était le nom qu’il avait trainé derrière son parcours. Et de l’aventurier courageux, désormais, ce nom représentait le responsable d’un vieux chariot aussi mourant qu’il ne l’était.
Mais il n’y avait pas que des fournitures et de la nourriture à l’arrière. Assise sur une caisse, une femme observait le paysage défilant devant ses yeux. Enroulée dans une cape chaude, elle avait un air de vagabonde. Celle-ci avait demandé et payer pour un voyage vers le prochain village vers le nord. Elle n’avait pas eue besoin d’offrir de l’or de sa besace. Le payement s’effectua dans un service accordé au vieillard. Dis ainsi, beaucoup ont pu penser qu’il s’agissait de luxure. Mais en vérité, elle avait juste aidé à remettre en place quelques planches. Un service pour un service, et cela était une bénédiction pour Dekarn. Le vieux bréton était rarement soutenu. La seule chose qu’il gagnait généralement était le regard rabaissant des villageois. Ils l’observaient en n’y voyant qu’un futur cadavre de plus.
Mais tout n’était pas aussi sinistre que ce que croyait la Bosmer. Celle-ci, dans son air las, avait discuté avec Dekarn. Elle l’interrogeait sur le sens de sa survie face à tant d’hostilité et de mépris. Au final, l’homme avait rigolé à ses paroles. Quelques boutades après, bien que son air rieur et détaché avant faire perdre le fil de la discussion à la jeune femme, il lui expliqua. Il lui détailla ce que l’on pouvait trouver parfois dans une ferme ou un village. Un peu de bonté et de chaleur venant d’une ou deux personnes. Quelques présents en hommage à l’effort de ce vieillard affrontant son physique fragile chaque jour. Les deux personnes présentes dans ce chariot était l’inverse l’une de l’autre. Dekarn voyait les choses avec un optimiste certain. Il recherchait la lumière et le bonheur que l’on pouvait en tirer. Souriant, et amical, il était un parangon de ce stéréotype qu’est le « vieux bonhomme ». Alors qu’Eïffy, elle, se noyait souvent dans la noirceur de chaque chose.
Ce jour semblait être paisible. La pluie avait finalement cessée de s’abattre sur eux. Ils profitaient d’un voyage tranquille qui n’avait pas été dérangé par les brigands du coin. Et si cela avait été le cas, les brigands eux-mêmes de toute façon n’auraient pas pris soin de piller ce genre de voyageurs. Le butin aurait été bien maigre, pour des potentielles blessures stupides. Et c’est ainsi qu’ils purent savourer et croire que la route s’achèverait sans encombre. Cela dit, ils auraient pu choisir de continuer ce chemin en fermant les yeux. Mais ni l’un ni l’autre n’avaient le cœur à ça. Malgré le fait que ce soit une pessimiste convaincue, et un vieux bréton fragile, le chariot fit une halte. Ils s’arrêtèrent quand l’écho d’une quinte de toux se fit entendre.
C’était un orc. Il ne portait pas une tenue rustique ou symbole d’un clan. Cet orc était habillé d’une armure de plaque aux couleurs grisâtres. Celle-ci était vaguement enroulée entres des passages de tissu marron. Il était étalé contre un rocher, le regard légèrement perdu. Cependant, il quitta ses songes en tournant la tête vers les deux voyageurs qui marchaient désormais vers lui. Qui aurait bien pu s’arrêté pour un orc qui semblait avoir des problèmes ? Visiblement, la réponse se trouvait devant lui. Une Bosmer et un vieux Bréton. Une phrase ironique lui vint à l’esprit, et un rictus moqueur se dessina sur ses traits. Il n’eut pas la volonté de leur balancer au visage une réplique qui aurait pu passer pour haineuse. Car s’ils étaient là pour le piller, c’était sa hache d’arme qu’il leur balancerait au visage. Quand ils furent suffisamment proche, il dénia enfin bouger un peu. Prenant une posture plus confortable, si il fallait leurs bondir dessus.
Et d’un coup, il se demanda si ce n’était pas ce qu’il fallait faire. Qui qu’ils soient, au fond, peut-être devrait-il les abattre sur l’instant. La douleur à son épaule le paralysait de plus en plus. La flèche qu’il avait reçu un peu plus tôt n’avait été que très peu traité. Si on peut considérer qu’avoir craché sur la plaie avait un effet guérisseur réel. Cependant, il n’avait aucune connaissance utile pour se soigner. Il se maudissait, d’un coup, de ne pas avoir eu la bonne volonté d’accepté de l’aide quand il le pouvait. Mais peut-être que ses colporteurs avait de quoi s’occuper de sa blessure. Et l’on accuserait la vermine des environs du meurtre et pillage de leurs biens. Oui, cela semblait être la chose à faire.
Mais quand Dekarn se trouva face à cet Orc, il n’eut pas envie de lui arracher la tête. Aussi étrange que cela soit. Il avait perdu la hargne et le goût du sang quand il observait la bienfaisance visible dans le regard de quelqu’un. Peut-être était-ce lié à son affiliation à l’Ordre des guerriers. Peut-être qu’à force d’affronter des rejetons du mal, il en avait acquis lui-même de la bonté. Mais avant de penser à ses propres valeurs. Il jugeait à l’instant de celle du vieillard qui se dressait face à lui, un sourire tracé sur les lèvres. Ses yeux mi-clos et sa barbe mal-entretenue en faisait l’image d’un pauvre être. Et malgré ça, il donnait envie d’y trouver un sentiment agréable. Même pour cet orc.
- Nous avons de l’eau, et de quoi vous soigner. Tout ce sang sur votre tenue ne présage rien de bon. Affirma Dekarn, en croisant doucement les bras.
- Et pourquoi l’offrir à un inconnu de mon espèce, humain ? souffla l’orc dans un grognement rendu sourd. Il essayait de contenir son air las. Il n’arrivait pas autant à maintenir sa soif de sang que ses sarcasmes.
- Parce que vous en avez besoin.
Sur ses mots, le Bréton ne trouva pas l’utilité de rester face à l’orc. Laissant la Bosmer devant le guerrier au sol, il partit sur le champ trouver l’une des caisses de son chariot. La femme toisa vaguement du regard l’orc. Celui-ci fit de même, essayant de juger à travers les yeux de l’elfe des bois, la raison pour laquelle elle le dévisageait. Et il en fut surpris. Il n’y avait pas la volonté de le dévorer. Ou encore de l’abattre pour le jeu. Il n’y avait pas le dégoût quotidien, si ce n’est un petit rictus. Bien ce même geste vague sur son visage ressemblait plus à un reniflement. Elle finit par s’assoir sur une pierre non loin. Le guerrier plissa un peu les yeux, pour finir de se rendre compte que la situation était un peu trop étrange à son goût. Lui, habitué des batailles et des bandits. Il venait de tomber sur deux voyageurs aux allures neutres. Et ceux-ci lui portait secours.
Quelques instants plus tard, une caisse fut laissée à côté. Dedans s’y trouvait des herbes aux attributs médicaux. Et même si elles n'étaient pas d’une qualité extraordinaire, elle pouvait sauver tout de même une vie. Dans le cas présent, l’orc aurait peut-être été épargné d’une infection qui l’aurait condamné. Même si ce n’était que son bras qui aurait perdu. Il avait déjà réfléchit à se cas de figure, et prévoyait déjà un suicide. Finalement, l’optimisme de Dekarn le gagna un peu. Rien que par cet acte de bonne volonté improvisée, sans avoir besoin de mots. Au final, une discussion put débuter une fois que le Bréton avait fini sa tâche en bandant la blessure de l’orc. Il s’étala sur le côté, et attrapa la gourde qu’il avait emportée. Celle-ci était remplie de cognac. Un alcool qui l’avait souvent suivit sur son trajet. Il tendait désormais la gourde à l’orc.
- Dekarn Castil. Seigneur de mon petit chariot. Et adepte du calme et du bon vivant.
- Baldor gro-Grumdruk. « Seigneur » de moi-même. Et adepte de ma hache. Lui répondit l’orc avec un souffle nasal tandis que sa grosse main boudinée récupérait la gourde. Il ne trouva pas d’expression propre au remerciement. Si ce n’est un reniflement.
- Ainsi, vous avez été attaqué j’imagine. Si vous voulez voyager avec nous.
- Et vous n’avez pas peur que je VOUS attaque ?
- Vous l’auriez déjà fait, non ? Je n’ai jamais vu d’orc qui croyait aux coups-bas.
L’orc émit un rire, et son visage se détendait un peu. Il perdait ses rides colériques. Une grande rasade lui rendit un peu de lucidité, et il apprécia pleinement la liqueur comme une récompense. Après la douleur qui lui avait tordu la poitrine, il ressentait enfin un peu de chaleur. Surtout quand la flèche avait été retirée de son épaule, il s’était emporté dans un râlement. Celui-ci mêlé à des insultes dont lui seul avait le secret. Il suffisait de rajouté « Enfourreur de », avec le nom d’une quelconque bestiole. De préférence, vivant sur les terres natales de celui qui est visé. Et il du pensé fort à une connaissance Dunmer quand il brailla « Enfourreur de Braillard ! ». Mais le calme était vite revenu à la hauteur d’une respiration puissante. Et maintenant, il profitait de l’alcool. Celui-ci eu d’ailleurs le reflex, signe du potentiel amical voilé sous ses airs rustres, de tendre la gourde vers Eïffy.
- Je n’en veux pas.
- Pourquoi ?
- Parce que. Dit-elle en haussant les épaules. Je n’aime pas le breuvage de ce vi-…
Alors qu’il se préparait à émettre un petit ricanement suite à une potentielle réplique sur la carcasse de Dekarn, il s’arrêta net. La Bosmer avait arrêté sa phrase brusquement. Celle-ci observait au-dessus d’eux, avec un regard qui ne trompe pas. Ce mélange entres la peur, et la fascination. Lui-même avait déjà pu voir cela dans les yeux d’autres combattants. En face d’une chose qui les dépassait. Bien des soldats sont habitués à observer dans leurs adversaires un air aussi morose que le leur. Mais là, il ne s’agissait pas d’un reflet d’une autre volonté mortelle. Baldur le comprit, et se tourna doucement. De toute façon, si quelque chose l’attaquait par derrière, il serait mort. Il prit le temps de se retourner, en même temps que le Bréton. Ceux-ci firent face aussi à ce qui les observait d’un air arrogant.
Une armure qui pouvait sembler être de la plaque. Mais ses reflets et la sorte d’aura étrange qui s’en dégageait la rendait irréelle. Si ce n’était que l’armure, mais aussi son épée. Tout, jusqu’à les cornes qui sortaient de son casque. Il n’y avait pas de doute sur l’identité de la créature qui les observait. Et seul l’orc ne semblait pas choqué par cette vision. Lui s’attendait un peu à ce qui se montra face à eux. Il prit sa hache d’arme en main, fermement. Finalement, ce ne serait surement pas une infection qui le tuerait sous peu.
Car le guerrier Dremora observait ce groupe de haut. Et nulle ne doute que son dévolu s’abattrait sur ses trois combattants. Aussi inférieur soit-ils.